Vous l'avez probablement constaté aussi, le monde est en pleine turbulence économique. Le président des États-Unis d'Amérique actuel, Donald J. Trump, ne cesse d'agiter le spectre d'une guerre économique mondiale. Comme chef d'une petite entreprise, je suis particulièrement attentif aux conséquences de ces décisions sur notre économie. Il est essentiel de comprendre les enjeux et de se préparer aux défis à venir.

Quelles seraient les répercussions pour les entreprises européennes si les États-Unis plaçaient 100 % de droits de douane sur tous les produits européens ?

Prenons l'exemple d'une entreprise française qui vend un bidule 30 € en Europe et aux USA. Supposons que le coût de production de ce bidule est de 5 €. L'entreprise réalise donc un bénéfice de 25 € par bidule vendu. Si les États-Unis imposaient 100 % de droits de douane sur ce produit, soit le prix de vente aux États-Unis passerait à 60 €, soit le bénéfice par produit vendu tomberait à 10 € au lieu de 25 €.

Les produits de luxe, comme les alcools haut de gamme (comme les vins qui ont déjà été surtaxés), la bijouterie de luxe ou la haute couture, pourraient encore trouver preneur, mais la majorité des produits européens deviendraient inabordables, ou bien trop peu rentables, sur le marché américain. Si une entreprise concurrente produit le même bidule dans les mêmes conditions aux USA, celle-ci deviendrait bien plus compétitive.

Conservons à l'esprit que la population européenne est très qualifiée, grâce entre autres à un système universitaire très nettement plus accessible que le système américain. Cela se traduit pour les entreprises par des coûts de production très souvent inférieurs en Europe par rapport aux USA. Par exemple, en France, un informaticien coûte à une entreprise en moyenne 40 000 € à 50 000 € par an, là où ce même informaticien coûte le double aux USA.

Cela peut expliquer pourquoi des sociétés françaises comme Scaleway proposent aux entreprises des services en moyenne deux fois moins chers aujourd'hui que leurs concurrents américains tels qu'Amazon Web Services. Dans le cas de notre entreprise d'exemple, si elle souscrit à l'offre E-commerce d'OnlineCreation.me, cela ne lui coûtera que 60 € par an, là où un concurrent américain coûtera au minimum 360 $ annuels. Pour simplifier, ce dernier avantage n'est pas considéré dans notre exemple, mais joue pour beaucoup dans l'économie européenne.

Comment l'Europe pourrait-elle réagir ? Quelles seraient les conséquences pour les entreprises françaises ?

Imaginons que la France, en réponse aux mesures américaines, impose également 100 % de droits de douane sur les produits américains. Imaginons aussi que l'euro s'effondre (par choix ou par la force des choses) de 50 % par rapport au dollar. Le prix de l'énergie importée augmenterait, rendant la production locale plus coûteuse. Cependant, les biens manufacturés à l'étranger augmenteraient aussi considérablement, atteignant des prix proches de ceux fabriqués localement.

Pour notre entreprise française, le coût de production du bidule pourrait croitre en raison de la hausse des prix de l'énergie et des matières premières importées. Supposons que le coût de production passe de 5 € à 10 €. Si le bidule est vendu 30 € en Europe, la marge bénéficiaire serait réduite à 20 €. Cependant, dans cette nouvelle situation, les produits étrangers vaudraient jusqu'à quatre fois plus cher qu'avant. L'entreprise devient donc non seulement très compétitive sur le marché européen, mais également à l'export : si un dollar vaut maintenant deux euros, notre bidule à 30 € ne vaut plus que 15 $ avant d'appliquer les droits de douane, 30 $ une fois les droits de douane américains appliqués.

Comparaison avec une société américaine

Prenons à présent l'exemple d'une société américaine qui vend aussi un bidule 30 $, avec un coût de production de 5 $. En Europe, ce produit est vendu 30 € aujourd'hui.

Avec 100 % de droits de douane de chaque côté et un euro dévalué de 50 %, imaginons que cette entreprise conserve ses 5 $ de coût de production et choisisse de poursuivre sa vente en Europe. Comme 30 $ vaudraient désormais 60 €, et avec des droits de douane à 100 %, le produit serait vendu 120 €. Si l'entreprise choisissait de rester compétitive, sa marge serait réduite à seulement 2,50 $ pour maintenir un prix à 30 €. Dans un cas comme dans l'autre, exception faite de quelques cas très spéciaux, la situation serait intenable et cette entreprise laisserait sa place aux acteurs locaux.

Conséquence pour les particuliers

La dévaluation de l'euro et l'imposition de droits de douane élevés entraîneraient une période d'instabilité économique. Les tensions diplomatiques s'intensifieraient, et certaines régions européennes, très liées aux États-Unis, pourraient rencontrer des difficultés d'approvisionnement alimentaire. Les états pourraient avoir plus de difficulté à s'endetter à des taux raisonnables, forçant à des augmentations d'impôts et à des réductions de dépenses publiques. L'inflation exploserait, corrélée à la hausse du prix des biens et services importés et à la réduction de la concurrence sur un marché susceptible d'être plus condensé.

Pourquoi notre entreprise française, avant concurrencée par une entreprise américaine, maintiendrait son prix à 30 € alors qu'elle n'a plus aucun concurrent vendant des bidules ? Quelle part de leur budget les consommateurs seraient-ils prêts à sacrifier pour continuer d'acheter des bidules ? Ce cas de figure serait une très belle opportunité pour le chiffre d'affaires de notre exemple, mais pas forcément pour le consommateur final.

L'autre conséquence serait que la majorité de la population devrait raisonner de manière plus durable. Avec une énergie chère, des biens importés atteignant des prix prohibitifs et une situation économique toujours plus instable, le recyclage, le reconditionnement, la réparation et la sobriété deviendraient la règle pour tous. En parallèle, l'innovation et la résilience deviendraient des priorités, stimulant la recherche et le développement de nouvelles technologies et de nouveaux modèles économiques.

Conclusion

Dans ce contexte de guerre commerciale, il est crucial pour les entreprises européennes de se préparer et de s'adapter. En misant sur l'innovation, la résilience et les solutions locales, elles pourraient dans un premier temps survivre, puis prospérer. La situation actuelle, bien que difficile, offre également des opportunités de repenser nos modèles économiques et renforcer notre souveraineté. Si vous vendez en ligne, surveillez l'actualité à l'international : elle vous dira si vous devez cibler ou non les USA. 

Comment percevez-vous cette situation ? Dites-moi tout dans les commentaires !